Paul Verlaine Berceuse Un grand sommeil noir
Paul Verlaine
Berceuse
Un grand sommeil noir
Tombe sur ma vie
Dormez, tout espoir,
Dormez, toute envie !
Je ne vois plus rien,
Je perds la mémoire
Du mal et du bien...
Ô la triste histoire
Je suis un berceau
Qu'une main balance
Au creux d'un caveau
Silence, silence !
Chanson d'automne
Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure
Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Initium
Les violons mêlaient leur rire au chant des flûtes
Et le bal tournoyait quand je la vis passer
Avec ses cheveux blonds jouant sur les volutes
De son oreille où mon Désir comme un baiser
S'élançait et voulait lui parler, sans oser.
Cependant elle allait, et la mazurque lente
La portait dans son rythme indolent comme un vers,
- Rime mélodieuse, image étincelante, -
Et son âme d'enfant rayonnait à travers
La sensuelle ampleur de ses yeux gris et verts.
Et depuis, ma Pensée - immobile - contemple
Sa Splendeur évoquée, en adoration,
Et dans son Souvenir, ainsi que dans un temple,
Mon Amour entre, plein de superstition.
Et je crois que voici venir la Passion.